Historique détaillé

Historique détaillé

 1963: L’armée achète 10 kilomètres de crêtes

C’est en 1963 que l’armée suisse achète le grand domaine des Pradières, sur la crête neuchâteloise, pour en faire une place de tir, voire une place d’armes. Ce terrain couvre une dizaine de kilomètres entre Tête de Ran à l’est, et le domaine des Pradières à l’ouest. Il s’ouvre au sud sur la chaîne des Alpes, le Plateau suisse et les lacs de Neuchâtel et Morat, et au nord sur les vallées de la Sagne, du Locle et de La Chaux-de-Fonds, ainsi que sur les deuxième et troisième chaînes du Jura suisses et françaises. On y trouve plusieurs des plus beaux points de vue du canton. De plus, cette montagne est emblématique pour de nombreux citoyens, qu’ils soient du bas ou du haut du canton : on vient y fêter le 1er août, y faire de nombreuses torrées en automne et y admirer une flore exceptionnelle. Par ailleurs, elle est parcourue en été comme en hiver par des centaines de marcheurs de toutes provenances, puisqu’elle accueille plusieurs kilomètres du chemin des crêtes qui relie Bâle à Genève.

On comprend que l’émotion soit vive dans le canton après ce rachat par l’armée et que des forces se mobilisent. Un comité d’initiative se crée en 1964, dans le but d’obtenir du canton une protection des crêtes neuchâteloises. Il y a afflux de signatures et le Conseil d’Etat décide d’aller plus loin que l’initiative déposée. Dans son contre-projet accepté par le Grand Conseil, il y ajoute la protection des rives du lac. C’est ce texte qui passe en votation le 20 mars 1966. Il est accepté par le 89% des votants et aboutit à un décret pour la protection du paysage et de la nature neuchâteloise qui fait date : c’est la première fois qu’un canton suisse se dote d’une loi semblable.

Création d’une association : 2000 membres fondateurs

Si tout danger de construction militaire est écarté, les initiants sont très inquiets du régime imposé par la place de tir. Au printemps et à l’automne 1966, ils organisent deux grandes manifestations pour prouver que la population veut aller plus loin. Regroupés sous le nom de Comité de district pour la sauvegarde du Mont-Racine (issu de la Société faîtière pour la sauvegarde du patrimoine naturel neuchâtelois), ils obtiennent finalement la signature d’une convention entre l’Armée et l’Etat de Neuchâtel, qui interdit les tirs pendant toutes les périodes de congés scolaires.

C’est ce comité qui crée l’Association des Amis du Mont-Racine en 1967 : 2000 personnes y adhèrent. Elle est reconnue depuis comme l’interlocuteur privilégié de l’Etat et de l’Armée pour ce qui concerne le Mont-Racine.

Dans les années qui suivent, l’AMR entreprend des plantations de sapins et le relèvement de murs de pierres sèches historiques situés dans la zone de tirs.

Un danger inattendu : l’industrie éolienne

A la fin des années 1990, l’Etat de Neuchâtel et son Service de l’énergie commencent à démarcher dans les foires internationales sur les énergies nouvelles. A l’insu de la population, ils ont sélectionné une demi-douzaine de zones de crêtes dont ils vantent en quadrichromie les mérites pour la production d’électricité éolienne. Démarche écologique ? Manœuvre politique ? En tous cas il apparaît assez vite que le responsable du Service de l’énergie n’a jamais entendu parler du décret. Le rappel de ce texte de loi ne décourage pourtant personne et surtout pas le Conseiller d’Etat en charge à l’époque de l’aménagement du territoire.

En 1998, le promoteur bâlois ADEV répond à l’offre de l’Etat de Neuchâtel pour le site du Mont-Racine (site des Pradières). Après une entrevue sur place avec l’un de ses responsables et malgré la position résolument antinucléaire de l’association, les membres du comité commencent à comprendre le danger que cela fait courir à la montagne. Ils participent en vain à plusieurs entrevues avec les responsables de l’Etat. Finalement, l’association mandate une avocate qui adresse à l’Etat un avis de droit largement étayé, en juin 1999. L’Etat ne répond pas à cet envoi mais le Mont-Racine semble oublié.

Pendant les dix années qui suivent, l’association se joint à l’opposition au site de Crêt-Meuron (Tête de Ran) et surveille attentivement la situation éolienne dans l’Arc jurassien, en Suisse et en Europe. A la demande de son assemblée générale, elle publie des communiqués de presse pour attirer l’attention de la population sur l’ampleur des nouvelles menaces.

Ouverture d’un lieu de rencontre

Pour mieux faire connaître la montagne, pour rendre sa lutte plus visible et pour entrer en contact avec les centaines de marcheurs ou de skieurs qui arpentent chaque fin de semaine la crête neuchâteloise, l’association reprend en 2007 la loge historique (chalet) que le Club Alpin louait depuis 1925 sur le chemin des crêtes. Elle fait de la Loge des Pradières-dessus un lieu d’accueil chaleureux qui répond parfaitement à l’objectif fixé. Les marcheurs apprécient cette initiative et prennent si bien conscience du rôle de l’association que de nombreuses adhésions arrivent régulièrement depuis, souvent de Suisse allemande, de la région lémanique et même de la France voisine.

Nouvelle menace

L’AMR comprend que rien n’est gagné pour le Mont-Racine : le Concept éolien neuchâtelois 2009 fait figurer le Mont-Racine dans un nouveau projet. La société irlandaise Alpine Wind, particulièrement agressive dans la région, a retenu dans l’offre du gouvernement le site du Grand-Coeurie, situé à l’ouest du sommet du Mont-Racine, dans une zone reconnue pour l’une des plus riches en biodiversité du canton de Neuchâtel. Le parc comprendrait 18 éoliennes géantes. Les promoteurs continuent de promettre de belles sommes aux propriétaires et aux communes, malgré le fait que les services de l’Etat aient commencé à reculer, en ne retenant finalement que les 4 machines… les plus proches du sommet. Cette fois l’AMR refuse de rencontrer les promoteurs malgré leur insistance et finit par s’adresser directement au chef du Département pour lui faire part de son inquiétude.

Enfin la reconnaissance

Après la consultation de 2009, un nouveau concept éolien cantonal est mis en consultation en septembre 2010. L’association y apprend avec un grand soulagement que le Mont-Racine est enfin reconnu explicitement en tant que site emblématique et richesse du patrimoine dignes d’être épargnés : on a renoncé au site éolien prévu à proximité. Par contre le décret de 66 n’est toujours pas respecté sur les autres crêtes et force est de constater que la lutte va continuer pour ceux qui l’ont initiée.

Franz Weber avec nous

Constatant que le concept éolien 2010 fait fi du Décret de protection des crêtes de 1966, une délégation du comité va trouver Franz Weber, écologiste bien connu, pour lui demander son aide. Déjà indigné des dégâts provoqués par l’éolien en Europe, Franz Weber accepte immédiatement de mettre les forces de la Fondation Helvetia Nostra au service des opposants neuchâtelois et jurassiens. Les AMR et la Fédération Pro Crêtes avaient déjà publié un long article sur le massacre annoncé dans les colonnes du Journal Franz Weber de mars 2010 (paru également dans l’édition en allemand).
Le 18 octobre 2010, à l’échéance de la consultation de l’Etat sur sa planification éolienne et le jour-même du dépôt de l’Initiative cantonale « Au peuple de décider !», Franz Weber organise une conférence de presse à Neuchâtel. Les TV et la presse romandes et alémaniques sont présentes. La colère du grand écologiste et les actions neuchâteloises sont largement répercutées.

La votation neuchâteloise

L’Initiative « Au peuple de décider! » a passé en votation au mois de mai 2014. Elle a échoué devant le peuple, après une campagne virulente à laquelle les AMR ont participé activement. Depuis, l’Etat a les mains libres pour lancer ses chantiers éoliens. Mais les citoyens neuchâtelois auront encore bien des occasions de s’exprimer.

La lutte continue

L’AMR est consciente que la mobilisation des années soixante contre l’installation de l’armée sur la montagne était plus porteuse que la lutte contre les projets de production d’une énergie dite renouvelable, malgré la terrible menace qu’elle fait planer sur notre  patrimoine naturel. Mais pour les membres de l’association (723 membres en avril 2019, dont plus de la moitié arrivés dans les 12 dernières années), les notions de paysage, de biodiversité et de nature libre sont des valeurs plus essentielles que jamais. Il leur paraît capital de continuer à les défendre pied à pied auprès de leurs contemporains et de les transmettre aux générations futures.

Protection de la flore

Depuis l’automne 2012, l’AMR explore les pistes qui permettront une protection efficace de la flore du Mont-Racine. Elle a déjà créé une douzaine de sites d’observation avec l’aide de scientifiques.

Janvier 2017