Tout est mathématiques, tout est physique, tout est biologie ne cessent de répéter les amoureux de ces disciplines. Moi, je dirai donc « Tout est panorama ». En lieu et place du « ce n’est qu’un panorama », monument peut-être, mais surtout vision surannée d’un monde passé, déclamé avec une pointe de pitié il y a moins d’une année, je m’exclame aujourd’hui admiratif « mais c’est un festival de panoramas ». Dans mon esprit tout à changé, l’histoire à rejoint la modernité, pour ne pas dire l’avenir. J’aimerais donc ici vous inviter à ce que j’appellerais la fabuleuse histoire des panoramas. Comme déclamer son admiration ne fait pas entrer dans l’histoire, commençons par indiquer que le diaporama passé lors de la journée à la loge du Mont-Racine consacrée au panorama de Charles Jacot-Guillarmod est disponible en cliquant sur le lien suivant :
Droit de panorama
Un constat tout d’abord. Si on peut comprendre que faire un panorama ne va pas de soit, qu’en est-il du droit de panorama, c’est-à-dire, avons-nous toujours le droit de faire des panoramas. La carte ci-dessous nous en dit plus long à ce sujet.
Vous pouvez constater que la France et l’Italie n’offrent pas de droit de panorama. Cela signifie simplement qu’il est interdit d’y faire un panorama du paysage quel qu’il soit. L’absence de ce droit dans ces pays est intéressant du point de vue de la définition de la notion de panorama. Imaginez la remarque suivante : « Non, Monsieur l’agent, je n’ai pas fait un panorama, mais une image large champ » …
Remarquez aussi les nuances d’usage commercial ou non et de bâtiments publics ou pas.
D’entrée le droit des différents pays nous place dans une interrogation profonde non sur ce qu’on peut voir, mais sur ce qu’on peut enregistrer. Au-delà de la propriété des lieux, c’est un véritable questionnement sur la propriété du paysage auquel l’image ci-dessus nous conduit en présentant un véritable panorama du droit des panoramas en Europe.
Histoire
Panorama signifie une vue (rama) sur tout (pan). Sans chercher à trouver l’origine des panoramas dans les fresques monumentales des hommes des cavernes (on parle pourtant de panorama du gibier d’alors), on peut voir dans l’élargissement du point de vue des peintures l’origine de l’intérêt pour cette notion au XIXe siècle.
La tradition des peintures à « large champ » est aussi présente dans la figure suivante :
Évidemment, l’élargissement pose rapidement des problèmes difficiles à résoudre comme le montre le panorama réalisé en ballon en 1881 ci-dessous qui présente une taille difficile à manipuler et des raccords :
Forme
Ainsi, l’idée de distribuer la vue sur la circonférence d’un cercle est-elle finalement assez naturelle, mais naturellement aussi génératrice d’autres difficultés, comme une déformation parfois difficile à maîtriser.
On retrouve aussi dans un hybride de cartographie panoramique, c’est-à-dire représentant l’intégralité des alentours de Paris, ce qu’on appellera par la suite une représentation stéréoscopique, mais ici planaire, du paysage accessible à vélo autour de la capitale.
Cette carte panorama était nommée « Pratique », car elle se pliait aisément comme un éventail.
D’autres méthodes peuvent aussi être utilisées, comme enrouler le panorama sur des cylindres et le parcourir ensuite en le déroulant selon les zones d’intérêt. Le spectacle du panorama s’apparente alors à un parcours des alentours tel qu’on le réalise en tournant sur soi-même. Aussi, si le spectacle panoramique se fait à travers le cheminement du regard, cheminer dans le paysage, le découvrir par le déplacement, en identifier successivement les étapes, constitue assurément un panorama des régions traversées. Sur la figure suivante, on peut voir la carte d’un chemin de Londres à Bristol sous forme de rouleaux. Il s’agit d’une traversée du paysage qu’on pourrait dérouler pour en faire une forme de panorama en ce qu’il donne à voir toute la région entre ces deux villes en la ponctuant d’indication cartographiques à l’instar des sommets d’un panorama alpin.
On trouve aussi des cartes itinéraires dont l’information principale n’est pas celle du territoire, mais traduit la manière dont le parcours s’est déroulé. Elles sont un panorama du voyage par les opérations nécessaires pour faire celui-ci. Plus même, elles sont un panorama de méthodes d’approximations permettant la représentation des déplacements. Voyez à ce sujet l’excellent article sur « La carte itinéraire, un bricolage savant » d’Isabelle Surun dans Opérations Cartographiques, Jean-Marc Besse & Gilles A. Tiberghien, Actes Sud /ENSP.
Bâtiments
On peut vouloir aussi assumer la taille du panorama. Mais il faut alors pouvoir l’exposer dans un lieu lui donnant sa pleine dimension. Le panorama devient alors le bâtiment dans lequel il se trouve et avec l’illustration du paysage, ils forment ensemble une attraction à la pointe de la modernité au XIXe siècle.
En 1802, les premières coupoles des panoramas à Paris sur le boulevard Montmartre.
Les structures sont au début des rotondes, puis tout se complexifie avec des panoramas visibles depuis un navire par exemple, monté sur des vérins pour simuler les tangage et roulis, tout en admirant un paysage défilant ou des panoramas depuis des ballons ou même un panorama d’images animées (voir la présentation multimédia).
Aujourd’hui
Évidemment, aujourd’hui la notion de panorama persiste sous différentes formes.
Classiquement, les panoramas équi-rectangulaires sont de plus en plus facilement réalisables à l’aide des logiciels présents dans les smartphones. On balaie l’espace autour de nous et l’informatique prend en charge le raccord des images.
De la même manière, pour les images stéréoscopiques, la déformation nécessaire à une représentation circulaire est calculée par les ordinateurs puis représentée automatiquement.
Cela donne lieu à des opération de représentations qui aujourd’hui sont le pendant mathématique des optiques d’une chambre noire par exemple.
Mais la notion de panorama dépasse aujourd’hui la représentation panoptique. Elle est présente par exemple dans les deux images à la fois différentes et semblables ci-dessous.
Puis, on retrouve les idées de panorama de cheminement dans les œuvres d’artistes comme Richard Long, avec son incroyable parcours en cercle baptisé « Circle Walk » ou il parcourt un paysage en pratiquant une marche de plusieurs jours en un cercle géoréférencé par satellite où les seules discontinuités sont des lacs ou rivières infranchissables.
Il s’agit bien alors d’un panorama, panorama des espaces parcourus, au même titre que le chemin de Londres à Bristol déroulant une hodologie (science des connexions) qui si elle est circulaire, semble faire le tour du paysage. Mais une étoile pourrait aussi faire l’affaire en guise de panorama d’un lieu explosif comme la Place de Tir des Pradières.
Le parcours ci-dessus a été réalisé le 22 mars 2023. Suite aux remarquables travaux de Richard Long et à l’analyse du paysage de Gilles Tiberghien dans « Le paysage est une traversée » son auteur a voulu éprouver l’ensemble des « Opérations Cartographiques » (Jean-Marc Besse / G. Tiberghien), nécessaires à l’appropriation du territoire aux alentours de la place d’arme des Pradières. Une symbolique étoilée a été déterminée à l’avance et un événement artistique fugace réalisé alors.
S’est alors posé le problème de savoir comment rendre compte de celui-ci. À l’inverse du « bricolage » cartographique réalisé à l’aides des données recueillies par Caillié lors de son périple africain, où Edme-François Jomard, le scientifique qui réalisa le compte rendu cartographique du voyage à partir de données pour le moins imprécises, il était possible de préciser le déplacement en étoile autour de la place d’arme à l’extrême de la résolution d’un GPS. Ce relevé constituera le « circle walk » de ce parcours panoramique.
Car, il s’agit bien d’un panorama. En effet, l’hypothèse d’une traversée panoramique du paysage s’est révélée non seulement sur le terrain, où la nécessité de déplacements en lignes droites permet une appréhension entièrement nouvelle de la flore, du relief et jusqu’à l’humidité des milieux traversés, mais aussi postérieurement lors de l’analyse LIDAR en relief (3D) du parcours découpé dans la végétation et lors de la composition photographique de l’événement où transparaît étonnamment la sécheresse du panorama de ces milieux.
Évidemment la carte finale tient du panorama stéréographique stéréoscopique. Mais sa réalisation fut aussi un panorama kinesthésique dont l’ampleur fait trace au Sud du parcours où on peut voir les égarements du projet initial face à la réalité.
Développements
On peut penser que la circularité du regard fonde le panorama. Mais, il n’en n’est rien, puisque on le trouve aussi dans la linéarité.
Finalement, un panorama n’est-il pas simplement une coupe plane du paysage, parfois à l’horizon, mais parfois à travers celui-ci ?
Réalisations
Pour tous les panoramas, le savoir faire technique pour les obtenir est important et intéressant. Sans vouloir ici entrer dans les détails, mentionnons deux travaux réalisés par des élèves du lycée Blaise-Cendrars dans un atelier interdisciplinaire sur la notion de panorama en arts visuels et informatique.
Le premier est un panorama classique présentant une vue panoramique prise à partir du Mont-Racine et le parcours horaire et saisonnier du soleil. Cette réalisation a nécessité pour deux élèves environ trois mois de travail à raison de deux périodes de 45 minutes chaque semaine. Beaucoup d’éléments ont posé des problèmes invisibles sur l’images finale. Un panorama de ceux-ci a été présenté par écrit à la remise de l’image finale.
Le second est original dans le sens ou il inverse le déplacement classique du regard panoramique horizontal précédent, pour le développer en profondeur. Il s’agit d’un travail sur un « canvas infini » ou en d’autres termes d’un zoom infini.
Évidemment, il pose des problèmes de représentation, puisque la succession des images n’est pas horizontale, mais obligatoirement successive dans le temps. Il s’agit donc d’une vidéo.
Conclusion
Bien d’autres choses seraient à dire. Signalons donc encore deux ouvrages très intéressants dont l’un se trouve sur le net :
et l’autre sous forme papier :
qui vous permettrons de poursuivre par vous-même dans le monde fascinant des panoramas.